Le texte de Sushruta samhita, appartient à la grande triade des textes ayurvédiques, donc des textes fondateurs de la connaissance de l‘Ayurveda traditionnelle. Ce dernier est souvent “oublié” surtout du grand public ou peu connu car il traite de chirurgie, l’anatomie et la dissection humaine.
Parmi les 8 branches de l’Ayurveda il s’agit de celle qui est considérée avec le plus de respect. En réalité elle inclut non seulement des procédés chirurgicaux avec la description de tous les instruments dans les textes mais en plus elle procède d’autres moyens bien moins invasives comme les cautérisation par alcalins, cautérisations par le feu, ou les différents types de saignées.
1) la filiation et l’origine de Sushruta Samhita :
Cette discipline a été enseignée directement par Dhanvantari dans la région de Kashi qui correspond à la ville de Varanasi et parmi ses disciples c’est à Sushruta que reviendra le palmarès d’écrire le texte. Il faut bien comprendre que ce texte apporte une connaissance très précieuse à l’époque à priori 500-400 BC en matière de connaissances chirurgicales mais aussi dans d’autres domaines tels l’orl ou l’obstétrique.
Sans revenir sur la légende de la naissance de Dhanvantari, on peut simplement garder en tête qu’il représente l’Ayurveda, sorti du barattage de l’océan de lait.
En fonction des textes on trouve différentes versions mythologiques, celle du Ramayana nous parle d’un être céleste apparu en robe blanche. Selon les Purana, il existe encore une autre version.
Mais revenons à Sushruta, Su signifie bien, correct, seulement. Shruta signifie informé, instruit, enseigné ainsi on peut dire personne bien informée ou personne instruite.
Sushruta fils du sage Vishwamitra, était selon toute vraisemblance le plus érudit des disciples de Dhanvantari et donc le plus à même d’élaborer le traité. On trouve différentes références à ce dernier et donc plusieurs personnages différents :
Vriddha Sushruta, créateur de Sushruta tantra. Celui qui a réécrit Sushruta Samhita.
Un disciple de Dhanvantari “Vriddha Sushruta” semble avoir vécu autour de 1500 -1000 avant JC, selon un historien ce serait 2ième siècle avant JC. La datation exacte est un peu difficile d’autant plus que le texte a été écrit en plusieurs fois comme c’est le cas de Charaka.
Sushruta est donc le père de la chirurgie moderne telle que nous la connaissons actuellement.
2) Datation probable et composition du texte Sushruta samhita :
Datation probable 400-500 avant JC. Ce texte est beaucoup plus pragmatique et court que le précédent, en effet, c’est un texte pratique. On y retrouve tous les os du corps avec leurs noms en Sanskrit, les premières techniques de conservation du corps pour la dissection humaine. Mais pas que, on trouve aussi les 107 points marmas, la toxicologie en détails, les différents stades du développement de la maladie.
Une Samhita est une compilation de savoir pratique et théorique d’une époque donnée.
Le traité actuel a été révisé par Nagarjuna un moine bouddhiste. Il a été traduit en arabe avant le 9ième siècle de notre ère. On peut penser à une possible influence des grecs mais peu certaine, l’opposé étant également possible quant on regarde les ressemblances entre le système des humeurs d’Hippocrate et les bases physiologiques de l’Ayurveda tridosha, trimala, saptadhatu, manas, indriya.
On y retrouve un système de castes très figé, avec un traitement pour chacune d’elles, ce qui montre que l’époque n’est pas la même que celle de Charaka Samhita, mais plus tard historiquement.
Composition du texte :
Ce texte se décompose en 186 chapitres, regroupés en 6 sections :
- Sutra 46 chapitres. Qui traite de tous les fondamentaux de l’Ayurveda.
- Nidana 16 chapitres. Comme son nom l’indique, traite des facteurs étiologies, pathologiques.
- Sarira 10 chapitres. Traite de l’évolution de la vie et de l’univers depuis l’embryologie jusqu’à la mort.
- Chikitsa 40 chapitres sur les traitements.
- Kalpa 8 chapitres décrit la toxicologie.
- Uttara 66 chapitres orl, pédiatrie et démonologie.
3) Quelles sont les particularités de Sushruta Samhita?
L’importance de ce traité est l’anatomie ayurvédique et la dissection humaine, avec les techniques de conservation du corps, ainsi on trouve beaucoup de clarté concernant la composition structurelle du corps humain. Physiologie, embryologie et génétique, les différentes classification des os.
Les tout premiers instruments de chirurgie :
- Les yantra, 101 les instruments contondants,
- Les shâstras, 25 instruments aiguisés et les anushartas.
Il donne également la définition d’un chirurgien idéal :
« une personne qui possède le courage et la présence d’esprit, une main libre de toute transpiration, tremblement qui peut attrapper un instrument pénétrant et aiguisé pour effectuer ses opérations pour le succès et l’avantage de ses patients qui a remis sa vie entre les main du chirurgien. Ce dernier doit respecter un abandon total et traiter ses patients comme ses propres enfants.” Sans porter aucun jugement il me semble que ce point a largement été oublié de nos jours……
Le mot shalya signifie la fléchette, un javelot, une lance, tout ce qui cause de la douleur cassée ou un instrument bien aiguisé. La chirurgie embrasse tous les procédés qui ont pour objectif le retrait des facteurs responsables pour apporter de la misère au corps humain ou à l’esprit.
Le principe de l’anesthésie qui existait déjà à l’époque : en raison de la conscience de la douleur, une administration d’alcool mélangé avec du cannabis, une pratique traduite puis expérimentée par Avicenne ensuite.
Les nouveaux étudiants devaient se soumettre à une période d’étude d’un minimum de 6 ans avant de commencer leur expérimentation physique. Avant cela, ils devaient prêter un serment solennel. Amusant de constater que c’est toujours le cas des jeunes médecins sous le serment d’Hippocrate et devrait être le cas de toute personne touchant à la santé humaine…… Enfin nous avons encore de la marge en France.
L’expérience pratique : il était obligatoire pour les étudiants de qui apprenaient la chirurgie de s’entraîner à pratiquer des techniques telles que : incisions, excisions, ponctions, sondage, et toutes les autres expérimentations sur des légumes, fruits, peaux d’animaux tels que le cuir, ou troncs d’arbres.
On peut y lire des descriptions de procédures opératoires :
les salles de chirurgie étaient désinfectées avec des fumigations de résines ou certaines plantes aux propriétés anti-bactériennes, anti-fongiques, anti-virales.
Due à l’importance des complications ou techniques de court terme qui pouvaient avoir lieu pendant une intervention, les procédures étaient déjà divisées en trois étapes pré / post opératoires et l’opération en soi.
Toutes ces procédures via les 8 techniques :
- extraction des corps étrangers,
- excision
- incisions,
- sondage,
- favoriser la cicatrisation,
- suturer,
- faire une ponction,
- drainer ou évacuer les fluides.
Les procédés para chirurgicaux tels que les cautérisations et les saignées. Qui ne seront pas décrits ici et feront l’objet d’un autre article.
La pratique de la chirurgie plastique se trouve dans la section traitement: on trouve la description des sutures du nez, des lobes d’oreilles, de lèvres mais aussi des greffes de peau et opération de la cataracte, ou encore ouverture du péritoine et opération des calculs rénaux.
Réductions de fractures et dislocations, réductions, immobilisations et plâtres sont largement décrits dans le texte.
Pathologie : un concept unique est présent dans ce texte celui de stade de la pathologie ou de déséquilibre de dosha et comment cela se manifeste.
Ulcères : identification des abcès, des ulcères et leurs différents stades avec 60 procédures pour les soigner et les traiter
Les 107 marma du corps : description des 107 points vitaux du corps qui doivent absolument être protégés de tout traumatisme de tout traumatisme. Si ces points ont un traumatisme, ce dernier causera des complications allant de la douleur sévère jusqu’ à des complications majeures telles qu’une infirmité à vie ou la mort. Ils peuvent être divisés en trois groupes :
- point fatal après un temps,
- point qui porte une infirmité à vie de la partie touchée,
- point fatal sur l’instant.
Rakta (l’hémoglobine) comme 4ème dosha ou humeur en raison de sa capacité de transmission des pathologies.
La gestion des conditions telles que hémorroïdes, fistule in ano, ulcères sinus, calculs, ascites, mauvaises présentations fœtales et avortements, tumeurs.
Enfin et à souligner, l’importance de la main comme le plus important de tous les instruments, en effet sans cette dernière aucun autre instrument ne peut être utilisé.
Ou encore la description des différentes couches successives de la peau très différente de la conception moderne puisque l’Ayurveda en compte 7 contre 3 pour le moderne.
Les 7 membranes qui viennent différencier les tissus constitutifs du corps n’ont été décrites que par Sushruta.
Ce texte a bien sûr donné lieu à de nombreux commentaires par les érudits indiens : il existe 19 commentaires.
Dont le premier Jejjita 8-9 siècle AJC, et le plus connu Dalhana au 12th siècle.
En conclusion le texte de Sushruta Samhita constitue une source historique importante voir essentielle pour la médecine moderne et aussi pour l’Ayurveda dans les branches concernées par la chirurgie telles que l’obstétrique, l’ophtalmologie, ou la chirurgie elle-même. En effet et même selon l’Ayurveda il est des fois où l’opération est indispensable.Tout médecin formé en moderne devrait pouvoir prendre le temps de venir consulter les textes anciens, source d’inspiration et de sagesse inestimable pour la pratique.
Traduit et adapté de Sushruta: The father of surgery, Anatomy in ancient India: a focus on the Susruta Samhita, Sushruta Samhita, A unique encyclopedia of Ayurvedic surgery, Ayurveda Itihas par Vd B Deschamps pour Heart of Ayurveda © tous droits réservés.
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